BUTINEURS

Deux nains européens narguent les géants
Sur le marché des butineurs – qui servent à parcourir le web –, les deux géants Communicator et Explorer sont menacés par deux minuscules concurrents, Opera et iCab. Non seulement ils sont légers et rapides, mais ils devraient dissuader Netscape et Microsoft de monopoliser le web.

Francis Gradoux
Mai 2000

... Donc, il était une fois Opera, butineur norvégien, et iCab, son cousin allemand. Tous deux progressaient à petits pas vers le logiciel parfait, léger, rapide et souple.La version 4 d’Opera, pour Windows, disponible en version d’essai (www.operasoft.com), est capable de rivaliser avec ses énormes concurrents, mais ne pèse que 1,7 Mo. Il est aussi plus rapide qu’eux et son seul défaut semble être qu’il est payant (trente-cinq dollars).

De son côté iCab, pour Mac, poursuit également sa progression. Ses concepteurs viennent de présenter la version d’essai 1.9a (gratuite sur www.icab.de). Il ne pèse que 2,1 Mo, fonctionne même sur les vieux Mac (68020) et il est très rapide. De plus, il existe en français, traduit par un jeune étudiant et militant lausannois, Nicolas Sériot, qui le présente sur son site personnel (www.come.to/canardmac). «J’ai trouvé iCab par hasard l’an dernier; je l’ai trouvé génial et j’ai commencé à le traduire pour moi. Et puis, je me suis dit qu’il fallait en faire profiter les autres.»

La version finale d’iCab apparaîtra dans quelques mois et se vendra alors vingt-neuf dollars. Pour l’instant, il manque encore les capacités Java script et feuilles de style, mais iCab paraît rivaliser facilement avec les géants Netscape et Microsoft. Il est notamment plus rapide et plus facile à configurer.

Mais, là encore, il est difficile de comparer entre des versions en développement et des versions définitives. L’essentiel n’est pas là. La principale différence entre les deux énormes américains et les minuscules européens est plus subtile. Par exemple, Netscape et Explorer sont gratuits; donc ils coûtent cher. Tous deux soumettent l’utilisateur aux éventuelles manipulations de gros groupes, Microsoft et AOL-Times Warner, qui ne cachent pas qu’ils veulent dominer l’internet par tous les moyens. Ceux de Microsoft sont connus, ceux d’AOL-Times Warner le seront bientôt, car ces puissants monopoles ne donnent rien pour rien, leurs actionnaires y veillent.

Opera et iCab, en revanche, sont produits par de petites équipes de quasi-bénévoles qui soumettent en permanence leur travail aux utilisateurs. Certes, tous deux seront payants, mais pour vingt-neuf ou trente-cinq dollars, les utilisateurs achèteront bon marché de précieuses libertés, notamment celle de supprimer les bandeaux publicitaires. Les connaisseurs estiment aussi que iCab est le butineur le plus souple et le plus facile à tailler sur mesure. «Ce que j’aime, chez iCab, c’est qu’il laisse le contrôle final à l’utilisateur», explique par exemple Nicolas Sériot, qui ne gagne pourtant pas un centime pour sa traduction.

Aussi, la présence d’Opera et d’iCab devraient dissuader les géants de s’approprier totalement le web. Déjà, certains sites s’affichent mieux avec Explorer; on peut en déduire que la firme de Bill Gates rêve toujours d’un internet totalement captif, qui ne fonctionnerait qu’avec Explorer. Avec trois concurrents, dont deux très agiles, s’ajoutant aux menaces de la justice américaine, Microsoft sera forcé d’éviter d’apparaître trop monopolistique. Les utilisateurs en bénéficieront, même s’ils doivent payer une cinquantaine de francs et difficilement désinstaller Explorer vendu avec leur ordinateur.